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dre haineux. En tout cas, il professait hautement, ainsi que tous ses amis, l’athéisme et le matérialisme dans un journal littéraire et philosophique, intitulé le Barbare, où il lançait les plus terribles philippiques contre ce qu’il appelait le Papisme.

L’autre clan marchait sous la conduite d’Oudaille, aussi avocat, mais avocat plaidant.

C’était un garçon de vingt-quatre ans, à la figure placide et un peu nigaude, ne s’échauffant pas à tout instant comme Soulès, parlant posément et clairement, mais aspirant néanmoins à déborder Soulès par des opinions plus avancées.

Comme il n’avait aucune fortune et vivait uniquement de sa profession, il se posait comme le défenseur des prolétaires purs. Dans ses mouvements de mauvaise humeur, il traitait d’aristocrates et de bourgeois les sectateurs de Soulès, tandis que lui et les siens n’étaient que des gueux, mais des gueux dévoués jusqu’à la mort à l’extirpation de l’aristocratie nobiliaire et cléricale et à l’établissement de la République sociale, matérialiste et athée. Cependant il se réclamait beaucoup de la science qui était désormais, selon lui, la seule religion possible de l’humanité. Enfin, parmi les hommes de 93, Soulès admirait surtout Marat ; Oudaille admirait surtout Hébert.

Quoiqu’on confondît les deux groupes sous le nom d’Hébertistes, il y avait entre eux, comme on le voit, certaines différences, et chacun des deux groupes cherchait instinctivement à désagréger l’autre à son profit. Il en était résulté des dissentiments et bientôt une rupture ouverte entre les deux chefs qui avaient marché un instant de conserve, et avaient tenu primitivement leurs assises dans une seule et unique brasserie