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— Voilà, se dit Georges, le seul être qui m’ait aimé ; c’est le caniche qui suit le corbillard du pauvre ou du suicidé.

À huit heures précises, par un brouillard glacial, deux hommes arrivaient en même temps au bois de Vincennes.

Ces deux hommes étaient le vicomte Hector d’Havrecourt et Georges Raymond. En arrivant en face l’un de l’autre, ils se regardèrent, ils ne se saluèrent pas. Un médecin de banlieue, un pauvre hère qui mourait de faim dans sa mansarde avait été amené là par d’Havrecourt, qui lui avait compté cent francs pour s’assurer de sa discrétion.

Les témoins étaient de simples soldats. D’Havrecourt était assisté de deux cavaliers de son ancien régiment, Georges de deux soldats d’infanterie qu’il avait autrefois défendus devant les conseils de guerre. Ils savaient qu’ils prêtaient leur concours à un combat sans merci et ils n’avaient rien discuté. Personne n’avait encore parlé, la cloche de l’hôpital voisin du lieu où l’on devait se battre sonnait huit heures ; il faisait froid, les soldats étaient impassibles, le petit médecin grelottait.

L’un des soldats qui assistait Hector déposa sur le terrain trois paires de pistolet.

Tout était réglé d’avance. Chaque adversaire avait trois coups à tirer. On devait commencer à une distance de trente pas et, après chaque coup, se rapprocher de cinq pas, de façon à ce qu’au troisième coup les adversaires ne fussent plus qu’à vingt pas l’un de l’autre.

— Vous convient-il de tirer au sort le choix des pistolets ? dit Hector.