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et les tristes propositions que vous m’avez faites, j’aurais pu me dispenser de vous écrire. Si je le fais, c’est pour que vous n’essayiez plus désormais d’arracher à ma protection le vertueux jeune homme dont j’ai sauvé la fortune et défendu la succession contre des visées spoliatrices dont je ne pouvais pas être le complice.

» Vous avez abusé de votre situation personnelle, non-seulement pour tenter de faire un pacte léonin avec votre client, mais pour essayer d’obtenir la main d’une jeune personne qui ne peut avoir pour vous que du dédain.

» Si la main de Mlle de Nerval peut être briguée par quelqu’un, qui le peut mieux que l’aimable jeune homme à qui vous aviez caché ce trésor ? Cette union, si Dieu permet qu’elle s’accomplisse, rapprochera deux cœurs faits pour s’entendre, sera le salut de deux familles et terminera par la meilleure des transactions le triste procès que vous vouliez poursuivre à tout prix.

» M. Karl Elmerich, rendu à lui-même, me charge de vous dire que désormais il ne vous connaît plus.

» A. Doubledent. »

— Voilà l’explication de tout ce qui s’est passé, dit Georges en mesurant par cette lettre atroce toute la noirceur des machinations de l’agent d’affaires.

Il se mit à rire d’un rire qui était affreux à voir.

— C’est moi qui ai voulu corrompre le vertueux Doubledent ! Karl loué par Doubledent ! Mlle de Nerval louée par lui ! N’est-ce pas le dernier outrage que me réservait la fortune ? Cet homme rapprochant deux cœurs et souriant au-dessus de ce tableau de l’amour conjugal ! d’Havrecourt lui-même jeté à la mer et rem-