Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Puisqu’on te dit les noms, cher ami, répéta Léon Gaupin.

— Et si je vous disais, moi, que je l’ai vu dans la rue Bergère à l’heure où nous nous échappions des griffes des sergents de ville ; et celui qui me démentirait, je pourrais le remoucher.

— Tu vas me remoucher, Coq, et toi aussi, marquis, dit Marius Simon, car je vais défendre comme avocat d’office cet avocat, puisque les avocats qui sont là ne remplissent pas leur rôle.

— Du propre ! les avocats ! murmura Soulès, qui ne pouvait souffrir la profession, quoiqu’il en fût.

— Mais oui, mais oui, Marius Simon a raison, dit l’abbé Ecoiffier faisant le bon apôtre ; il ne faut pas abîmer les gens comme ça sans savoir ; c’est peut-être vrai, je ne dis pas non ; mais il faut vérifier.

— Il faut vérifier, répéta Lecardonnel.

— Vérifions, dit Berg-op-Zom, qui représentait le chœur antique.

Pendant ce temps-là, quelqu’un parlait dans le corridor, et l’on entendait la voix du père Lamoureux, qui criait :

— Voyez, Jean ! ce qu’il faut servir à M. Georges Raymond, que personne n’a vu ici depuis deux mois.

À ce nom, jeté inopinément dans la salle, il se fit parmi les convives un silence glacial.

— Merci ! dit Georges en s’avançant, j’ai déjeuné.

Et il s’aperçut tout de suite de l’effet extraordinaire que produisait sa présence ; Marius Simon, avec sa verve ordinaire, était seul de force à rompre le silence.

— Accusé, vos nom et prénoms. Asseyez-vous ; vous allez entendre les charges qui sont portées contre vous. Greffier, lisez l’acte d’accusation.