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narcotique qui le jeta jusqu’au lendemain matin dans un profond assoupissement.

Le lendemain, en se réveillant, la surprise de Karl fut grande, et les souvenirs de la veille vinrent l’instant même l’assaillir. Lecardonnel était là avec sa femme. On lui raconta une fable ; il s’était trouvé mal, et on avait été obligé de lui improviser un lit dans la maison. Pendant ce temps-là, Doubledent, prévenu de l’enlèvement de Karl, arriva chez Lecardonnel en paraissant tout surpris de ce qui se passait.

L’astucieux compère s’abstint de dire du mal de Georges Raymond. Quand on lui montra la prétendue lettre qui était tombée de la poche de ce dernier lors de sa visite à Karl, il joua l’étonnement et fit un geste douloureux. L’affreux homme était comédien et se grimait à l’occcasion. Il s’était fait la tête paterne sous laquelle il avait, une première fois déjà, apparu à Karl.

— Tenez, mon ami, lui dit-il ; ne parlons pas en ce moment de ce malheureux jeune homme ; vous ne tarderez peut-être pas à le connaître tout entier. En attendant, occupons-nous un peu de vos affaires. Je veux vous la faire voir, cette belle jeune fille qui possède votre succession. Cela vous remettra. J’ai promis à son oncle de vous présenter. Je vais vous mener dans cette splendide maison, où Georges est allé plusieurs fois et qu’il s’est bien gardé de vous faire connaître.

Doubledent connaissait la démarche faite la veille par Georges Raymond à l’hôtel de Marcus, et il venait d’apprendre par Karl l’entretien que les deux jeunes gens avaient eu dans la matinée.

Bon gré mal gré, Doubledent conduisit Karl à l’hôtel de Marcus.