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jeune homme en son absence et avait jeté la lettre près de sa table.

Karl, après l’avoir lue, s’était presque trouvée mal. L’abbé Ecoiffier, en observation dans une chambre voisine, sut, par le garçon de l’hôtel, l’indisposition subite du jeune homme ; il se douta que le coup avait porté et fit immédiatement prévenir Doubledent. Dans son désespoir, Karl avait tout confié à Léon Gaupin, qui était venu le voir, et Gaupin avait amené Ecoiffier.

Mais ce dernier s’était bien gardé d’appuyer pour le moment sur le trait empoisonné qu’il avait plongé dans le cœur du jeune homme. Il aurait pu éveiller sa défiance. Suivant son habitude, il défendit Georges Raymond en corroborant le fait par les réflexions les plus cauteleuses.

Sans doute, cette lettre prouvait que Georges avait des intentions peu loyales. Cependant, il fallait savoir ce qu’il dirait pour sa défense ; Doubledent avait peut-être mal compris, etc.

— Vous pourriez voir Doubledent lui-même. Je ne le connais pas ; mais, au besoin, j’irai le chercher.

Lecardonnel, arrivé à la rescousse, avait d’abord fait semblant de combattre la proposition, puis il s’était laissé vaincre par les arguments d’Ecoiffier, et il était allé chercher Donbledent ; mais, pendant ce temps-là, Georges pouvait arriver d’un instant à l’autre, et les deux aigrefins étaient dans de grandes transes.

Ils eurent une idée satanique bien digne de leur affreux patron. Sous prétexte de faire diversion au chagrin de Karl, et en attendant l’arrivée de Georges et de Doubledent, Ecoiffier eut l’adresse de le conduire chez Lecardonnel, qui était marié. On le retint à dîner en le cajolant, et on lui fit boire, mêlé au vin, un