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Hélas ! les mêmes obstacles, les mêmes défauts de caractère, la même inexpérience des choses vinrent l’arrêter au début de cette nouvelle carrière.

Trois ans après, il vivait encore au jour le jour, végétant sans clientèle sérieuse entre la 5e chambre civile et la police correctionnelle. Mais, au milieu de défaillances profondes qui tenaient à une impressionnabilité morale tout à fait exceptionnelle, il était doué d’une ténacité rare ; il sentait ses forces, il les étudiait, il cherchait à se rendre compte de ses fautes et des causes qui l’empêchaient de réussir. Une confiance secrète le soutenait d’ailleurs au milieu de toutes ses épreuves ; il espérait revoir son père qu’il avait toujours regardé comme une sorte de Providence lointaine qui se manifesterait à un moment donné.

Or, deux mois à peine avant l’époque où commence cette histoire, voici ce qu’il lut un matin dans les journaux.

« On écrit de Saint-Nazaire : Un voyageur français, résidant depuis quelques mois à la Havane, a perdu la vie dans des circonstances fort mystérieuses. Il a été trouvé mort frappé d’une balle au cœur, à quelque distance de la ville, dans un endroit isolé. On crut d’abord à un assassinat ; mais la direction du coup de feu, le pistolet tombé à côté de lui, les objets lui appartenant retrouvés en sa possession, ne permettent pas de douter que ce malheureux s’est suicidé. Le consul de France, prévenu de cet accident, a constaté qu’un voyageur, qui n’était connu à la Havane que sous le nom de Pierre Germain, était un ancien réfugié politique compromis dans les événements de 1852, du nom de Pierre Raymond ; on ne lui connaissait aucune ressource. On suppose que des pertes d’argent ou des