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tapisserie, jetant de temps en temps un coup d’œil à la dérobée sur Mlle de Nerval.

C’était le jour du rendez-vous que d’Havrecourt avait osé donner à Mlle de Nerval dans la maison d’une femme galante.

Un rendez-vous pour une jeune fille du monde, placée dans les conditions où se trouvait Mlle de Nerval, est d’une réalisation presque impossible. Toujours avec son oncle ou accompagnée de Mme de Dammartin, il lui était arrivé une fois ou deux tout au plus de sortir seule en voiture ou accompagnée d’un domestique.

Ce jour-là l’obstacle paraissait infranchissable, et cependant elle se disait qu’Hector allait bientôt l’attendre, dévoré d’impatience, désespéré, s’il ne la voyait pas. Elle se rappelait l’air fatal qu’elle lui avait trouvé trois jours auparavant, quand il partait.

Il devait être de retour, il n’était peut-être revenu sitôt que pour elle. Toutes ces pensées agitaient son cœur, et quoiqu’elle sentît bien ce qu’elles avaient de coupable, elle ne pouvait écarter la tentation ; les obstacles même l’irritaient.

— Je vais m’absenter jusqu’à cinq heures, dit le comte de Marcus, je prendrai en passant des nouvelles du comte de B***.

— Ah ! ne put s’empêcher de dire avec une certaine vivacité Mlle de Nerval en suspendant sa lecture. Vous avez raison, M. d’Havrecourt doit être revenu. Et elle rougit en prononçant son nom.

Mme de Dammartin se leva comme pour aller chercher quelque chose, et, prête à franchir la porte, elle se retourna. Blanche ne lisait plus, elle rêvait. Se voyant seule elle tira quelque chose de sa poche. C’était une lettre du vicomte.