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un suisse au front sévère, qui répondit affirmativement à sa question : M. le comte de Marcus est-il chez lui ? — et qui fit retentir une cloche de signal pendant qu’un laquais en culotte courte apparaissait au-dessus du perron de la cour pour le recevoir.

L’air seigneurial de cette demeure et la tranquillité qui régnait partout l’impressionnèrent vivement. La maîtresse de céans était donc cette jeune fille si belle qui lui était apparue un soir à l’église Notre-Dame, et qui depuis comme alors avait fait une si profonde impression sur son âme !

Mais il se défendit contre l’excès de son émotion par une pensée amère.

— Elle aussi, sans doute, elle est déchue ! se dit-il en pensant avec une douleur cuisante que le vicomte d’Havrecourt avait osé lui donner un rendez-vous chez sa maîtresse et qu’elle y viendrait pour être séduite, si déjà elle ne l’était pas.

Le jeune homme fit passer sa carte sur laquelle il y avait écrit : Georges Raymond, avocat à la Cour impériale, et où il avait ajouté au crayon : « Pour cause urgente. »

Pendant que le valet de chambre la portait à M. de Marcus, Georges Raymond, qui savait apprécier les belles choses, considérait le haut plafond, la grande cheminée Louis XIV et les ornements pleins d’une dignité princière de la pièce d’attente où il se trouvait.

Le comte de Marcus était un vieillard de soixante-cinq ans, aux cheveux et à la barbe d’une blancheur éblouissante, sur un visage d’un ton chaud et sillonné de rides profondes.

Le visage d’une fort belle expression était plein d’un calme doux et triste qui le rendait extrêmement sym-