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contrastait avec le milieu déplorable qui l’entourait.

— Enfin ! dit Karl en sautant au cou de Georges Raymond, te voilà ! Qu’es-tu devenu depuis le jour de l’Opéra, où tu m’as si complètement abandonné ? Je n’ai pas pu te retrouver, même chez toi. Mais tu es tout changé ? Et Karl le regardait avec tendresse en constatant le ravage qui s’était fait sur ses traits depuis deux jours. Ecoiffier a peut-être raison, tu…

— Et quoi donc ? dit Georges en voyant paraître sur les joues de Karl une légère rougeur qui complétait sa pensée. Non, cher ami, tu te trompes, fit Georges en secouant la tête ; j’ai de grands chagrins que je ne peux pas te dire aujourd’hui. Je vais peut-être m’éloigner pendant quelques mois pour une affaire grave…

— Comment ! dit Karl tout troublé, tu vas me quitter en ce moment ! Et pourquoi ? pour quelle affaire ?

— Des affaires de famille… peut-être un procès avec la légataire universelle de mon oncle, dit-il en souriant tristement. Mais rassure-toi, je ne partirai pas avant d’avoir réglé tes intérêts, et je veux justement t’en parler. As-tu en moi une confiance absolue ?

— Oh ! absolue, dit Karl en regardant Georges avec les yeux les plus limpides.

— As-tu revu Doubledent ?

_ Du tout ; et toi ?

— Pas davantage. Je l’ai attendu inutilement avant-hier ; tu te rappelles que je lui avais écrit ; il n’est pas venu. Par des raisons que j’ignore, le cloporte reste immobile en ce moment ; mais j’agirai sans lui ; surtout ne parle pas, ne conclus rien, ne signe rien sans m’avoir vu. Je ne puis t’expliquer en ce moment toute cette affaire ; je ne te ferai qu’une question : en supposant aussi considérable qu’elle le paraît la succession