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jours Georges Raymond devant Karl, pour terminer ensuite par quelque insinuation de la plus noire perfidie.

Ainsi Georges Raymond, emporté par la vie de plaisirs, avait quelque peu négligé Karl Elmerich, il l’avait même totalement oublié, on se le rappelle, à la représentation de l’Opéra, où il avait retrouvé Mlle de Nerval. Ecoiffier et Lecardonnel, rencontrant tous les jours Karl à la pension du père Lamoureux, n’avaient pas manqué de souligner avec art des griefs qui ne se seraient probablement jamais formulés dans la pensée du jeune Alsacien.

Georges Raymond était un cœur d’or, une nature d’élite, une intelligence de premier ordre, mais il était bien léger, bien dissipé. Comment, ayant entre les mains la direction d’une affaire aussi importante que celle de Karl, ne venait-il pas le voir plus souvent ?

Georges Raymond commençait à aller dans le monde, et pouvait par ses relations être utile à son ami Karl ; pourquoi ne le présentait-il pas dans des salons où son talent de compositeur pouvait être apprécié ?

Karl répondait que Georges Raymond venait lui-même même de faire trop récemment ses débuts pour être encore en mesure de le présenter.

— C’est vrai, c’est vrai, répondaient Lecardonnel et Ecoiffier ; c’est un ami dévoué qui ne nous fera jamais défaut ; ils se retournaient alors du côté de la politique.

Quel dommage qu’avec son intelligence et son talent, Georges Raymond ne soit pas plus dévoué aux intérêts de la cause populaire ! Il ne savait pas assez dissimuler le dédain que lui faisaient éprouver les opinions de ses amis. Lancé dans la vie de plaisirs, il oubliait trop les