Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme un dénonciateur stipendié, comme un vil espion ! Vous me faites prendre votre place à vous, madame, qui jouez réellement ce rôle ignominieux et qui êtes inscrite comme telle sur les fonds secrets plus déshonorants que les registres où l’on constate la profession patentée des filles perdues. Mais, vous avez raison, ne suis-je pas un misérable, un pauvre diable sans conséquence qui peut bien endosser la casaque de l’espion après avoir passé dans votre alcôve !

Terrifiée de ces paroles, la comtesse ployant la tête comme une couleuvre, subissait malgré elle le poids du talon que ce jeune homme appuyait sur sa poitrine.

— Je suis pauvre ! c’est vrai. Vous me le disiez hier en regardant mes défroques qui insultaient à votre richesse de boue ; mais pourtant, madame, si pauvre que je fusse, je vous avais payée et, si vous aviez seulement la pudeur de vos pareilles, vous ne m’auriez pas dérobé ce qui ne n’appartenait pas.

— Votre bracelet ! s’écria en rugissant la comtesse à cette dernière insulte. Tenez, voilà le cas que j’en fais.

Elle fit voler une vitre en éclats et jeta par la fenêtre le bracelet de Georges qu’elle avait saisi sur la cheminée.

— Allez le ramasser, il vous appartient, dit-elle indomptable et les lèvres blanches de colère.

— Vous ne rendez pas ce que ce coffre vous a rapporté, dit Georges implacable, jetez donc aussi par la fenêtre ce que vous avez ramassé dans les fondrières de la police impériale ! Et il s’avança vers elle d’un air si menaçant qu’elle eut peur pour la seconde fois.

— Enfin, que voulez-vous de moi, dit-elle en versant tout à coup un torrent de larmes, vous êtes bien