Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec une nuance d’impertinence qui indiquait le commencement de défaveur le plus caractérisé.

— Monsieur dit ?… fit-elle.

Georges, s’inspirant des grandes traditions, mit deux louis dans la main de la jeune femme et sourit en lui disant :

— J’ai besoin de voir votre maîtresse, faites, je vous en prie, que je la voie, mademoiselle.

Pendant que la camériste retournait dans l’intérieur pour parlementer, Georges considérait le luxe éblouissant qui l’environnait, en disant à part lui : Et tout cela est payé par la police ! Ah ! c’est une des grandes existences problématiques dont le vicomte me faisait la théorie ; j’ai beaucoup appris avec le vicomte ; et il s’était approché d’un magnifique plateau d’argent où se trouvaient pêle-mêle les cartes des hommes les plus riches, les plus distingués de Paris. Tout ce monde-là ne suffit pas, murmura-t-il, il faut encore…

Tout à coup, la porte s’ouvrit, et du fond d’une pièce somptueuse, Georges entendit la comtesse disant de sa voix la plus féline :

— Entrez donc, cher, j’ai fait consigner ma porte pour les importuns, mais non pour vous.

Georges pénétra dans ce sanctuaire dont l’ameublement merveilleux mériterait toute une description. Enveloppée d’un peignoir de satin mauve, pris à la taille par une ceinture flottante, le cou orné d’une dentelle à la Marie de Médicis qui laissait entrevoir les formes les plus exquises, la comtesse était plus belle que jamais. Les tresses noires de ses cheveux, négligemment entassés sur le sommet de sa tête charmante, découvraient de petites oreilles fines délicatement ourlées. Elle avait cet air coquet et triomphant qui ne