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Nous n’avons pas à faire ici l’histoire de la Révolution espagnole, et des événements qui s’étaient accomplis à Madrid à la fin de l’année 1868.

On se rappellera seulement que la reine Isabelle venait d’être renversée à la suite d’un pronunciamento du comte de R***, qui avait amené la défection de l’armée.

P***, audacieux, populaire, doué de qualités chevaleresques, s’était fait le patron de la candidature du prince de Carignan, sous le nom duquel il espérait exercer à Madrid l’autorité souveraine.

Comme le gouvernement français exerçait alors dans la Péninsule une influence prépondérante, il s’agissait de décider le cabinet des Tuileries à se prononcer en faveur du prince de Carignan.

À ce moment la candidature du prince de Hohenzollern, qui devait avoir des suites si fatales à la France, n’était pas encore posée ; mais P*** qui, avec une rare sagacité, prévoyait de ce côté-là des complications avec la Prusse, exploitait les menées ambitieuses du cabinet de Berlin pour faire prévaloir le Prince de son choix et triompher de la politique hésitante du gouvernement impérial.

Jouissant d’une immense fortune, qu’il prodiguait sans compter pour arriver à son but, il était secondé dans cette entreprise par le marquis de Saporta, non moins habile et non moins ambitieux que lui.

Homme de plaisir et d’intrigue, allant dans tous les mondes, astucieux comme le cardinal Ximenès, dont il descendait, recueillant partout des bruits de coulisses et de salons, le marquis de Saporta avait rencontré chez la vicomtesse de Saint-Morris, la comtesse de Tolna, dont il était devenu le protecteur, et du Clo-