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Il se fit conduire chez le vicomte : Hector n’était pas rentré.

Frappé par le coup le plus terrible qu’il eût encore reçu de sa vie, ne doutant pas qu’Isabeau ne fût un agent politique occulte qui lui avait enlevé, par un piége infâme, le dépôt confié à sa garde, il tomba dans le plus épouvantable accablement.

Enfin, rappelant toute son énergie par un effort affreux de volonté, il se livra à une opération mentale qu’il avait bien souvent faite dans les mauvais jours.

— Supposons le pis, se dit-il. C’est toujours ce qui m’arrive, la découverte de ce coffret va compromettre des gens puissants, perdre d’Havrecourt et, moi, je vais passer pour avoir livré, vendu le secret de cette correspondance… Ah ! Hector est peut-être chez la vicomtesse de Saint-Morris, pensa-t-il tout à coup.

— Touchez rue de Rome, n° 15, dit-il au cocher, et, pendant le trajet, il s’étudia à se faire un masque présentable en déridant son front avec ses mains.

— Madame est sortie, lui dit la femme de chambre.

— Tiens ! M. Georges Raymond ! dit tout à coup une jeune femme qui venait d’ouvrir une porte. Entrez donc par ici, vous ferez comme moi, vous attendrez.

C’était Raffaella, toujours aussi suave, et, sans attendre la réponse du jeune homme, elle lui prit son chapeau des mains et l’emmena dans un des petits salons que nous connaissons déjà.

— Comme Mlle Raffaella est effrontée, tout de même ! dit la femme de chambre à un domestique qui traversait le salon ; la voilà qui s’enferme avec ce jeune homme.

— Monsieur Georges, je m’ennuie, vous allez m’amuser ; nous allons jouer du piano, dit la charmante