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ainsi tout en conservant son air d’impératrice, que Georges Raymond la serra contre son cœur avec tendresse.

— Oh ! que c’est bien à vous d’être venue me voir, que vous êtes bonne ! lui dit-il. Vous si belle, si capricieuse, si recherchée, vous avez pu songer encore à un pauvre diable d’avocat comme moi sans sou ni maille !

— Cela m’est bien égal ! dit Isabeau, est-ce que vous croyez que je suis intéressée avec vous ? Et elle attire doucement vers elle la tête du jeune homme. Georges, vous me disiez tout à l’heure que vous étiez malheureux. Qu’avez-vous ?

— Moi malheureux, quand vous êtes la près de moi ; quand je puis regarder dans le fond de vos yeux comme en ce moment ; quand vos lèvres charmantes me sourient, quand je tiens vos mains dans les miennes, quand cette chambre est toute parfumée de votre présence ; enfin, quand je vous aime, Isabelle, et que je puis faire comme si tu m’aimais, Isabeau !

— Non, dit-elle avec un adorable sourire, en lui résistant, je ne veux pas… Il faut que je parte dans un instant. Ce soir peut-être…

— Un siècle !… fit-il en soupirant.

— Avez-vous tenu la parole que vous m’aviez donnée ? dit-elle.

— Laquelle !

— Vous n’avez jamais parlé de moi à aucun de vos amis ?

— Jamais !

— Pas même à M. d’Havrecourt ?

— À lui moins qu’à tout autre assurément.

— Vous êtes donc brouillés ? Cela ne n’étonnerait pas, c’est si un vilain homme, sans mœurs, sans délica-