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comme vous le disiez tout à l’heure, les hommes de notre foi ne peuvent pas mettre leur épée au service de certaines causes, alors que j’ai brisé ma carrière pour ne pas servir l’Empereur, n’est-il pas cruel de me reprocher de n’être rien ? Dites ce que je dois être et je le serai.

— Vous passez pour un homme bien léger, dit le comte de Marcus détendant un peu l’arc de ses sourcils.

— On dit la même chose de tous les hommes jusqu’au jour où, mariés, ils étonnent par leur sagesse Pour celui qui aura le bonheur d’épouser Mlle de Nerval, pourra-t-il y avoir une autre femme au monde ?

— Cela suffit, monsieur, dit le comte de Marcus. Cette conversation peut ne pas être perdue, malgré son caractère improvisé. Elle ne pourrait avoir de suite désormais que si c’était M. le comte de B*** lui-même qui la reprît.

À ces mots, empreints de la plus grande dignité, le vicomte s’inclina bien bas. En traversant un second salon, il rencontra Mlle de Nerval, dont le regard interrogea le sien.

— Sur ma vie, sur mon honneur, lui dit-il tout bas, il faut que je vous voie où vous savez, mercredi, à une heure ; autrement, tout est perdu !

— Qu’avez-vous donc, chère enfant ? s’écria Mme de Dammartin qui la suivait et la vit pâlir.

Le vicomte s’inclina de nouveau et disparut.