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Mais il semblait impossible de lui assigner un âge déterminé. Si les contours de son visage avaient totalement perdu la fraîcheur de la jeunesse, les lignes avaient conservé toute leur élégance et presque toute leur pureté. La correction parfaite de ses traits semblait ressortir avec d’autant plus de noblesse que, particularité bizarre ! elle avait les cheveux complètement gris.

Rien ne lui eût été plus facile sans doute que de faire disparaître sous un noir de jais cette couleur indiscrète ; mais quelle couleur artificielle eût pu remplacer l’harmonie particulière que cette nuance gris-de-cendre donnait à son visage ? Ses cheveux ne la vieillissaient pas ; ils ajoutaient à son grand air. On eût dit qu’elle était poudrée.

Veuve d’un gentilhomme de vieille race qui avait perdu sa fortune dans des spéculations, Mme de Dammartin, demeurée sans fortune, avait accepté la position que M. de Marcus, ancien ami de son mari, lui avait offerte auprès de sa nièce. Elle lui tenait lieu de mère, et la jeune fille trouvait en elle tous les attraits qu’elle eût souhaitée dans un amie.

Sachant toute l’influence que Mme de Dammartin exerçait sur Mlle de Nerval, le vicomte d’Havrecourt s’était étudié depuis longtemps à obtenir ses bonnes grâces. Il y était arrivé par un jeu de galanterie assez habile.

Sans se permettre jamais un mot déplacé, mais seulement par de vagues allusions, par des mines, par des réticences calculées, il s’efforçait de faire croire à Mme de Dammartin qu’il avait conçu pour elle une passion profonde que le respect avait refoulée.

Au fond Mme de Dammartin n’en croyait probable-