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qu’avec toute votre habileté, vous n’avez pu faire, puisqu’il vous a mis à la porte.

Doubledent haussa les épaules :

— Si vous l’aviez su plus tôt, et avant d’être complètement mon homme (Hector fit la grimace), vous auriez été capable d’aller faire du sentiment avec ce stagiaire. Vous vous croyez méchant, vous ne l’êtes pas. Savez-vous pourquoi il se montre si récalcitrant sur le chapitre de la succession ?

— Eh ! que sais-je ? Loyauté, conscience, honneur, c’est-à-dire, pour vous, duperie.

— Ouais ! fit l’agent d’affaires en fixant son œil vert d’émeraude sur d’Havrecourt, vous ne savez donc pas qu’il connaît Mlle de Nerval et qu’il l’aime ?

Doubledent n’en savait rien, mais il lui suffisait pour l’affirmer que cela fût possible

— Si je le savais ! dit Hector d’Havrecourt avec cette expression de rage froide dans le regard que nous lui avons déjà vue.

— Vous le savez à présent, et du reste il n’est pas mal tourné ce garçon, quoique sans le sou, et tenant une des clefs de la succession par son client, il y a cent à parier contre un qu’il songe à épouser la jeune fille. Vous êtes si bonace que vous mériteriez qu’on vous fît un pareil tour.

Les lèvres du vicomte avaient blanchi.

— J’y avais pensé vaguement, dit-il.

— Penser vaguement ! Est-ce qu’on pense vaguement quand il s’agit de deux cent cinquante mille livres de rente comme garniture de la plus belle fille du monde ? Ce garçon est un grand embarras, il faut s’en débarrasser au plus tôt.

— S’en débarrasser, et comment ?