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L’agent d’affaires est généralement un ancien clerc d’avoué, d’huissier ou de notaire, souvent aussi un ancien officier ministériel destitué, un avocat ou même un ancien magistrat. C’est quelquefois un négociant failli ou banqueroutier, un instituteur révoqué ou même un prêtre interdit ; parfois un individu ignorant et audacieux qui s’improvise du jour au lendemain homme de loi.

Mais le plus souvent les agents d’affaires appartiennent à des professions supérieures qui ont singulièrement développé chez eux le génie de l’astuce.

Familiarisé avec les ruses de la procédure, ayant étudié les lacunes de la loi pénale, sachant manier la parole et la plume, ardents, intrigants, faméliques, connaissant les hommes, ils déploient dans la conduite des procès, dans la poursuite de leurs entreprises une adresse, une sagacité, un esprit d’invention qui dépassent tout ce que l’on pourrait imaginer.

Il y a à Paris quatre ou cinq mille agents d’affaires qui enveloppent la vie industrielle comme dans un réseau, dont les toiles sont tendues dans tous les coins, attrapant tout ce qui vole, mouche ou moucheron, et par les mains de qui passent la plupart des affaires contentieuses avant d’arriver à avocat, avoué, huissiers, et de là à la barre des tribunaux.

Mais, parmi les nombreuses variétés du genre, il en est une particulièrement intéressante au point de vue qui nous occupe : c’est l’agent d’affaires qui poursuit les successions en déshérence et qui, par des relations occultes, dont la trame est le plus souvent insaisissable, parvient à découvrir un héritier inconnu ou un collatéral à qui il vient un beau jour offrir la révélation de ses droits, moyennant un pacte léonin.