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après avoir prévenu le comte de B*** de ce qui arrive. Tu vas déjeuner avec moi ?

— Non, merci, dit Georges Raymond dont le siège était fait et qui aimait autant commencer tout de suite l’attaque. J’ai des choses assez graves à te dire et j’ai besoin que tu m’écoutes avec patience.

— Qu’est-ce que c’est que ce début ? Est-ce que tu vas prêcher le carême ? dit Hector en entamant une volaille.

— J’ai mal commencé, se dit Georges Raymond, c’est peut-être trop solennel. Pardon, mon cher Hector, continua-t-il, mais je ne pouvais remettre cette explication à un autre moment ; il me serait impossible de feindre plus longtemps.

— Ah ça ! tu as donc feint jusqu’à présent ? fit Hector en relevant la tête avec surprise.

— J’ai fait un peu comme toi ; tu ne m’as pas toujours dit exactement tes projets, je n’ai pu te dire exactement ce que j’en pensais.

— Mais, mon cher, c’est un troisième exorde, ce n’est pas une explication cela.

— Eh bien, l’explication, la voici : Tu m’as dit que tu te mariais, tu ne m’as pas dit dans quelles circonstances particulières tu faisais ce mariage.

Hector jeta sur lui un œil gris-clair qui exprimait le plus parfait étonnement mêlé à un commencement d’impertinence.

— Ah ça, très cher, je suis donc ici à confesse ?

— C’est moi qui y suis, et ce que tu ne me dis pas je vais te le dire : Mlle de Nerval, que tu veux épouser, jouit d’une succession qui ne lui appartient pas, et l’homme par l’intervention duquel tu comptes faire ce mariage s’appelle Doubledent.