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— D’être retenu jusqu’à ce que je reçoive des instructions, ou d’être conduit au Dépôt de la préfecture, où vous seriez certainement visité, comme c’est la consigne…

Ferminet avait clos ses paupières en signe d’assentiment.

— Messieurs, dit d’Havrecourt d’un ton froid et bref qui frappa ses deux interlocuteurs, et il serrait convulsivement dans sa poche la crosse de son revolver, je vous affirme sur mon honneur que je ne porte rien sur moi, et vous devriez bien penser que si j’étais porteur de pièces suspectes, je ne me serais pas laissé prendre ; mais je ne souffrirai pas des outrages sur ma personne sous prétexte de perquisition, et je vous rends responsables des malheurs qui pourraient arriver si l’on portait la main sur moi. Je vous somme de me rendre la liberté en mettant fin à une violence illégale qui a duré trop longtemps et dont vous pourriez avoir à rendre compte devant qui de droit.

À ce langage appuyé d’une contenance qui faisait prévoir toutes les audaces, le commissaire de police échangea un regard avec Ferminet comme pour lui dire : Faut-il appeler mes hommes ? Mais Ferminet réfléchit aux conséquences déplorables que pourrait avoir une collision dans une affaire où déjà l’on frisait l’illégalité. Il fit un signe négatif en fermant la paupière et d’Havrecourt sortit.

Dans la même soirée, la police préfectorale, incarnée dans M. Bonafous, venait de découvrir un faux complot et de mollir pitoyablement en en cherchant un autre. L’autorité n’avait plus de nerfs, l’Empire vieillissait.