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avait laissé entrevoir un visage ravissant, empreint de la plus rare distinction.

Elle avait aperçu ce jeune homme qui ne regardait rien et dont l’attitude trahissait un désespoir contenu. S’il eût jeté les yeux sur elle, nul doute que l’attention de la jeune fille ne se fût à l’instant même détournée ; mais il était immobile, le regard perdu dans le vague, indifférent à tout ce qui l’entourait, et son extérieur, qui n’avait rien de vulgaire, pouvait supporter ce coup d’œil rapide et invisible par lequel toutes les femmes jugent les hommes qu’elles voient pour la première fois.

Une certaine curiosité s’était-elle emparée de cette jeune fille à l’aspect de l’inconnu ? avait-elle remarqué sa pâleur, son émotion, les expressions douloureuses qui s’étaient succédé sur son visage ? Qui peut le dire ? Le fait est qu’elle le voyait, tout en paraissant plongée dans la plus profonde dévotion, et, lorsque l’office fut terminé, elle releva son voile tout juste à temps pour être aperçue.

À l’aspect de ce visage éblouissant de charmes, l’inconnu eut peine à comprimer un cri d’admiration ; mais déjà la jeune fille avait abaissé son voile et disparaissait au bras de la dame âgée qui l’accompagnait. Il fit un mouvement instinctif pour la suivre ; mais la foule, qui se pressait pour sortir, fit obstacle à ses efforts pour la rejoindre. Il arriva jusqu’à la porte sans rien trouver qui ressemblât à cette merveilleuse apparition ; puis, tout à coup, à quelques pas, dans l’ombre du parvis, il aperçut deux femmes qui attirèrent vivement son attention : une voiture attelée de deux chevaux s’avançait à leur rencontre.

L’une de ces femmes se retourna ; il ne put s’y