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qui les suivait les devança, et une tête sortit de la portière comme pour les examiner de plus près.

— Serais-je filé ? dit Hector. Si, par malheur, il en était ainsi, je casserais bien des figures avant d’être pris ; mais non, c’est impossible. Quand on conspire, on est comme le lièvre, on a peur de son ombre, et le moindre incident paraît suspect.

La voiture qui conduisait les deux jeunes gens venait d’entrer dans la rue de Compiègne, qui débouche en face du chemin de fer du Nord.

— Arrêtez-vous, dit tout à coup d’Havrecourt en tirant violemment le cocher par son paletot à travers le vasistas de la voiture.

À une quarantaine de pas en avant du guichet principal, le vicomte venait d’apercevoir à la lueur du gaz un officier de paix en costume accompagné de quatre agents en bourgeois. Un sixième personnage, au visage blême et impassible, se tenait à l’arrière-plan. L’officier de paix semblait prendre ses ordres. Il n’y avait plus que cinq minutes avant le départ du train, et quelques voyageurs attardés traversaient seuls la place en se rendant à la hâte à leur destination.

— Ou je me trompe fort, ou nous sommes pincés, dit le vicomte en relevant rapidement le vasistas pour que le cocher n’entendît pas. Oui, pardieu ! continua Hector qui observait avec attention tous les mouvements de l’officier de paix. Dieu me pardonne ! ils font mine d’approcher. Tiens ! à tout hasard, prend vite cet objet, et, en parlant ainsi, le vicomte ouvrait rapidement son sac de voyage et en tirait un objet assez peu volumineux qu’il remettait à Raymond sans quitter des yeux le groupe suspect qui était devant lui.

— Entr’ouvre sans bruit la porte qui est de ton côté