Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à pieds joints sur Karl Elmerich ; on avait exercé une pression sur M. de Marcus, peut-être sur la jeune fille elle-même ; enfin la famille avait dû capituler sur la menace d’un procès qui pouvait lui arracher tout à coup une succession opulente.

Mais comment Doubledent avait-il pu obtenir ce résultat sans faire apparaître l’héritier ? Il avait donc des pièces décisives entre les mains, qui lui permettaient de se passer de tout le monde, même du principal intéressé ?

Telles furent les premières réflexions auxquelles Georges s’arrêta ; mais lui, qu’allait-il faire ?

Si la famille de Marcus, cédant aux menaces de Doubledent, avait consenti à la transaction matrimoniale qu’on lui avait imposée, laisserait-il dépouiller Karl Elmerich, son ami et son client, dont les intérêts sacrés étaient entre ses mains ?

Si la famille de Marcus ne savait rien encore de l’odieux marché dont Mlle de Nerval était le prix, pouvait-il laisser s’accomplir un acte qui révoltait sa conscience ?

Mais comment si opposer à ce que d’Havrecourt voulait faire ? Comment allait-il entrer en lutte avec le meilleur de ses amis, avec un homme d’ailleurs qu’il savait si redoutable ?

S’il renonçait à l’entraver dans ses desseins, il trahissait Karl ; s’il prenait le parti de Karl, il rompait avec Hector ; et, enfin, ce qu’il n’osait s’avouer à lui-même, mais ce qui était vrai, il aimait Mlle de Nerval dont la destinée même était en jeu dans cette abominable intrigue.

Il se sentit pris d’un commencement de défaillance en présence de tant de périls, et une voix secrète lui