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— Et vous me prenez pour une madame de Valmont ?

— Chère vicomtesse, vous savez si je vous aime. Mais je suis perdu, irrémissiblement perdu, noyé, coulé, si ce mariage ne se fait pas. Je ne me marie que pour être plus sur de vous rester fidèle.

Le quatrième acte venait de finir lorsque d’Havrecourt, sortant de la loge de la vicomtesse, se trouva face à face avec Georges.

— Mon cher ami, je te cherchais. On m’avait dit que tu étais ici : j’ai besoin de te parler ; tu vois en moi un homme heureux ; tout marche au gré de mes désirs. Je ne t’avais rien raconté depuis mes dernières confidences, parce que tout était encore bien incertain ; mais rien ne peut plus s’opposer à mon mariage, et s’il surgissait des obstacles, je serais en mesure de les briser.

— Quelle est cette jeune personne à qui tu parlais tout à l’heure dans cette loge ? dit Georges Raymond contenant son trouble, mais pressentant tout.

Hector lui répondit dans l’oreille et Georges se sentit défaillir. Il avait dit : Ma fiancée !

— Mais je suis dans un embarras du diable. Figure-toi qu’il faut que je parte ce soir, lui dit-il bien bas. Le comte de B***, qui devait faire le voyage, s’est trouvé subitement indisposé ; il m’expédie cette nuit même à Bruxelles ; il y a une grosse partie qui se joue là-bas. Je ne puis rien t’en dire maintenant. Rendez-vous au café Napolitain, à minuit sans faute, et, en disant ces mots, le vicomte quitta le bras de Georges pour parler à d’autres jeunes gens qui venaient à lui.

Georges Raymond était resté anéanti. Pendant que le quatrième acte commençait, il descendit les escaliers du théâtre comme un condamné à mort, oublia