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Baudrant. Il reconnut successivement Alfred Leroy, de la Banque portugaise et du Clocher, le baron de Van-Klem-Putt, causant dans la loge du corps diplomatique avec le général P…, comte de R…, arrivé de l’avant-veille à Paris, pour intriguer auprès du gouvernement français dans l’intérêt du prince de Carignan, candidat à la couronne d’Espagne, depuis la chute d’Isabelle, détrônée par la révolution espagnole.

Tout à coup un mouvement muet se fit dans la salle, les chapeaux se levèrent, l’Empereur, accompagné de l’Impératrice, de M. Mocquart et du général Fleury, venait d’entrer dans sa loge. Le chef de l’État, après avoir répondu, par des inclinaisons de tête, aux démonstrations respectueuses dont il était l’objet, jeta autour de lui ce regard lent et fatigué qui lui était habituel ; pendant que l’Impératrice, toujours souriante, causait avec Mlle Bouvet. La représentation commença.

Mais, pour les personnages de cette histoire, l’intérêt réel de la soirée n’était pas sur la scène, il était dans la salle où des choses fort extraordinaires se passaient. Le préfet de police était dans sa loge depuis un instant et il y était seul lorsqu’un homme d’une trentaine d’années, à la tournure militaire, y entra rapidement après avoir échangé quelques mots avec l’ouvreuse. C’était Paul Beaulieu, chef du cabinet du préfet de police, qui fut nommé secrétaire général de la préfecture de la Gironde quelques mois après.

— Êtes-vous prévenu, monsieur le préfet, de ce qui se passe, dit-il à l’oreille de son supérieur… un attentat possible ce soir à la sortie de l’Empereur.

— Il y a dix minutes à peine, je l’ai su par Bonafous, au moment où je sortais de chez moi. Impossible de