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moment, sur son esprit. Depuis quinze jours, c’est-à-dire dire depuis le fameux billet de Doubledent, ni lui ni Karl n’avaient reçu de nouvelles de l’agent d’affaires. Doubledent était redevenu un mythe. Georges avait eu beau s’enquérir partout de ce personnage ; ni avocats, ni avoués, ni huissiers n’avaient pu lui fournir le moindre renseignement.

— Doubledent un bienfaiteur de Karl qui n’a voulu qu’éprouver l’avocat de son protégé !… et je croirai bonnement cela ? se disait le jeune homme en entendant l’appel des causes à la 1re chambre. Tout à coup l’huissier audiencier appela de sa voix monotone et retentissante :

Doubledent contre de Marcus et Nerval !

Un coup de massue ne l’aurait pas plus étourdi que l’accouplement de ces trois noms, prononcés à haute voix dans une audience. Doubledent, c’était le nom du ténébreux agent d’affaires devenu invisible depuis trois semaines ; de Marcus, c’était l’oncle de Mlle de Nerval, et Mlle de Nerval c’était la belle jeune fille de Notre-Dame.

— Que fait-on dans cette affaire ? dit le président, qui était M. Benoît-Champy, dont le souvenir est resté au Palais comme un type de courtoisie et un modèle dans la tenue d’une audience civile.

— Au mois, monsieur le président, dit un avoué qui se présentait pour M. de Marcus ; c’est le premier appel.

Georges Raymond était dans le plus grand trouble. Après l’appel des causes, il s’approcha du greffier et lui dit : Veuillez bien me passer, je vous prie, le placet d’une affaire Doubledent contre de Marcus, que l’on vient de remettre au mois. Je suis intéressé dans cette affaire.