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mencé à faire connaissance dans un précédent chapitre, venaient de se rencontrer dans la salle des Pas-Perdus.

— Quel est l’animal le plus dangereux quand on n’est pas sur ses gardes ? dit Fretin à Furpille.

— Je n’ai pas le temps de répondre à tes insanités ; le Dieu de l’astuce et de l’éloquence m’appelle à la 1re chambre du tribunal.

On comprendra la hauteur de ce langage, si l’on se rappelle que Furpille ne plaidait jamais qu’en police correctionnelle.

— Tu plaides à la 1re chambre du tribunal, toi ? dit Fretin ; mais tu vas te faire mettre à la porte ; le tribunal ne voudra pas t’écouter.

— Et pourquoi S. V. P. ? dit Furpille en se drapant avec dignité dans sa toge.

— Est-ce que l’appel est commencé ? dit Me Bochard en s’approchant de ses deux confrères.

— Est-ce que tu plaides aussi à la 1re chambre ? dit Fretin en lui pouffant de rire au nez. Ce serait le renversement de tous les mondes.

Ja mein herr, yes sir, si caballero, répondit Bochard en trois langues, je plaide pour ma Normande de l’autre jour, et je soulève un incident curieux.

— Tu ne vas pas nous raconter ton affaire, dit Me Delvau en venant se joindre au trio, suivi de Me Flandrin qui ne mettait jamais sa robe.

— Ces vils folliculaires (Delvau cumulait le journalisme avec le barreau), cela veut écrire et cela ne sait même pas écouter.

En ce moment, un jeune avocat en robe passa devant eux en les saluant de la main, mais sans s’arrêter.