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s’agirait d’arracher une succession considérable à une famille puissante. La famille, menacée d’éviction, résisterait avec acharnement à sa demande en revendication comme cessionnaire des droits de l’héritier légitime ; l’héritier trompé pourrait se retourner à son tour contre lui. On examinerait ses antécédents, son passé, les moyens frauduleux par lesquels il s’était procuré toutes les pièces établissant la filiation de Karl, etc., etc.

Évidemment, il ne pourrait briser les résistances qu’il allait trouver sur son chemin que par le concours d’un auxiliaire dont la situation dans le monde, les relations, l’énergie et l’adresse personnelle lui servissent en quelque sorte de forceps pour extraire un des plus gros morceaux de cette immense fortune.

D’Havrecourt était son homme, et voilà pourquoi il en avait fait son complice. Il s’était dit : j’achète les droits successifs de Karl Elmerich, je les rétrocède à d’Havrecourt, moyennant un million et demi de bénéfice net, et j’ai comme garantie de ce qui m’est dû la succession elle-même, l’épouseur, l’épousée et toute la famille.

Restait à trouver les six cent mille francs nécessaires pour acheter les droits de l’héritier.

En battant le pavé de Paris dans tous les sens, en fouillant les autres les plus noirs de la commandite véreuse, il avait fini par trouver un corsaire de finances aussi malhonnête que lui, qui, sur l’exposé de l’affaire et moyennant deux cent mille francs de commission, s’engagea à verser les six cent mille francs le jour du contrat de cession régularisé devant notaire.

Mais pour l’exécution de ce plan colossal, dont toutes les parties étaient profondément étudiées, il fal-