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mois il avait connu à fond ses relations dans le monde interlope, ses allées, ses venues, ses projets d’affaires, de mariage et même ses manèges politiques.

Or, la famille dans laquelle Hector d’Havrecourt rêvait de s’introduire était précisément celle qui détenait la succession de Karl Elmerich devenu ainsi, à son insu, l’adversaire naturel du jeune vicomte.

Pour réussir dans ses projets, Doubledent avait été obligé de conduire, au regard des deux jeunes gens, le plan de campagne parallèle dont on a vu le développement dans les précédents chapitres.

Son but bien évident était de spéculer sur Karl Elmerich et de spéculer sur d’Havrecourt. Il comptait, comme on l’a vu, acheter pour cinq ou six cent mille francs la succession de Karl Elmerich et la revendre trois millions et demi à d’Havrecourt.

Mais pourquoi, ainsi que le lui avait demandé fort judicieusement d’Havrecourt, ne gardait-il pas pour lui seul, après les avoir achetés, les droits successifs de Karl ?

On va le comprendre : aucune des combinaisons possibles n’avait échappé à l’esprit de Doubledent lorsqu’il s’était trouvé en possession du secret de Daniel Bernard. Il avait d’abord songé à agir sur Karl comme bienfaiteur inconnu et à l’adopter afin de s’assurer du jeune homme, par les liens d’une paternité légale. Mais il n’était pas dans les conditions exigées par la loi pour pouvoir réaliser cette adoption

Restait donc à acheter les droits successifs de Karl en l’induisant en erreur sur l’importance de la succession qu’il était appelé à recueillir. Mais Doubledent, quelque audacieux qu’il fût, ne se dissimulait pas les immenses difficultés qu’il devait rencontrer quand il