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— Croyez, mon cher du Clocher, que je saurai reconnaître vos bons offices. Mais quel est donc ce nouveau venu à qui la vicomtesse paraît faire tant d’accueil ? Et, en parlant ainsi, le diplomate espagnol indiquait de l’œil un gros monsieur à la mine rogue, au regard inquisiteur, qui saluait en ce moment la vicomtesse. Il était accompagné, ou plutôt suivi d’un second personnage au visage blême et marqué de petite vérole, qui fermait de temps en temps les yeux avec une expression intraduisible de réserve et de dignité.

Du Clocher fit un geste de surprise.

— C’est M. Bonafous, dit-il.

— M. Bonafous ? Qu’est-ce que cela ?

Du Clocher fit un second geste comme pour dire : Vous ne savez rien si vous ne savez pas ce que c’est que M. Bonafous.

— C’est l’homme qui fait tout à la Préfecture de Police, qui sait tout, qui voit tout, comme le Solitaire. J’avais entendu dire qu’il était des amis de la vicomtesse, mais je ne l’avais jamais vu chez elle. Ou je me trompe fort, où il vient ici flairer quelque chose…

— C’est une bonne connaissance à faire, dit le diplomate espagnol.

— Dans tous les cas, ce n’est pas moi qui peux vous présenter, monsieur le marquis, car nous sommes assez mal ensemble, répondit du Clocher en faisant un quart de conversion pour ne pas être aperçu du terrible chef de division. Mais l’œil percent de M. Bonafous l’avait déjà découvert.

— Savez-vous quel est ce personnage avec qui parle du Clocher ? dit-il à son chef de bureau.

— Un grand d’Espagne, ami de Prim, venu en France pour y intriguer auprès du gouvernement impérial.