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— Que vous êtes méchant !

— Quel est donc ce jeune homme qui valse avec la comtesse de Tolna ? demanda-t-on dans le groupe où se trouvaient le marquis, du Clocher et Marius Simon.

— Un méchant petit avocat sans cause qui répond, je crois, au nom de Georges Raymond, dit le marquis dont la fureur ne faisait qu’augmenter.

— Eh bien, le portrait tient-il toujours ? lui dit l’impitoyable Marius Simon.

— Toujours, répliqua le marquis, dussé-je chausser ma botte dans le derrière de ce grippe-parole.

— Quelle diable d’idée a donc la vicomtesse d’inviter ainsi des gens qu’on ne connaît pas, dit Darnis, autrement nommé Soupe-en-Ville.

— Je le connais, monsieur, sans avoir l’honneur de vous connaître vous-même, dit Marius Simon à Darnis, qui se contenta de saluer.

Pendant ce temps-là, Georges Raymond continuait à valser avec Isabeau, dont la taille élégante ployait légèrement sur son bras ; il voyait sourire sa bouche charmante, qu’aucun effort ne contractait, quoiqu’ils ne se fussent pas encore arrêtés un instant pour reprendre haleine. Un souffle frais et parfumé trahissait seul sa respiration, d’accord avec les légères ondulations de son sein. Tout à coup l’intervention de valseurs inexpérimentés produisit un choc si violent que Georges eût été renversé sans la fermeté de son aplomb. Mais dans le rapprochement subit qui en résulta entre Georges et la comtesse, leurs lèvres entrèrent brusquement en contact.

— Je t’aime, dit Georges Raymond à la belle comtesse.

— Vous êtes fou ! lui dit-elle.