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sance d’une fiction, tantôt dérobant le secret de son existence par des artifices impénétrables qui ont fait appeler quelques-uns d’entre eux des existences problématiques ; inventant, furetant, projetant, coudoyant des êtres hybrides, interlopes, infâmes, en proie tantôt à la fièvre des combinaisons qu’il médite pour s’arracher à la pauvreté, tantôt vivant de la vie somnolente et brisée de celui qui n’a rien à attendre de ses semblables.

Tant que le déclassé est jeune, la vie lui sourit encore, il espère, le monde le ménage, on lui fait confiance. On peut supposer qu’il arrivera !… Mais l’insuccès continuel amène le découragement et la démoralisation ; il vient un moment où l’on n’est plus capable de rien, où les facultés se brisent, où la volonté s’affaisse. Et cependant il faut vivre : vivre est un problème qui conduit à la longue au crime ou au suicide. Arrivé à ces hauteurs horribles où la vie n’est plus qu’un sarcasme, l’homme échoué, délibère sur sa destinée. Les uns entrent en révolte contre une société qui les méconnaît et les foule aux pieds. Ils se sentent tous les droits contre elle puisqu’elle ne leur en accorde aucun.