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galante pour que la comtesse pût en tirer des conclusions favorables.

— Que vous soyez riche ou pauvre, cela m’est fort indifférent, dit-elle en changeant de ton. Riches ou pauvres, beaux ou laids, spirituels ou sots, tous les hommes me font horreur.

— Et à moi, donc ! s’écria Georges. Si vous saviez ce qu’ils m’ont fait souffrir et combien ils m’ont opprimé, battu, foulé aux pieds. Ah ! soyez tranquille, je ne plaiderai pas pour mon sexe ; j’ai fait contre lui le serment d’Annibal. J’ai tant de colère à venger, tant d’honnêteté à perdre, tant d’amour à prodiguer, que je ne sais par où commencer la vie. Je vous donnerai tout ce que j’ai au fond de l’âme, si vous voulez que je vous aime !

— Vous êtes assez drôle, dit la comtesse, surprise de cette furia dont le caractère moitié sérieux, moitié bouffon, était loin de lui déplaire. Savez-vous valser ?

— Si je sais valser ? dit Georges Raymond, mais mon bras est prêt à s’enrouler comme le lierre autour de votre taille charmante, et je demande que cette valse dure autant que l’éternité.

— Venez, Werther, dit la comtesse en abandonnant ses formes admirables au bras de Georges Raymond, et le couple disparut bientôt au milieu d’un torrent de valseurs emporté par un rhythme entraînant.

— Je ne me trompe pas, c’est Isabeau, qui n’est point partie, et qui valse avec votre ami l’avocat ? dit la vicomtesse de Saint-Morris ; mais Mme de Tolna ne valse presque jamais.

— Georges avec Isabeau, et valsant, mais ce garçon est perdu ou… sauvé ! dit Hector d’Havrecourt. Où donc est le marquis de Saporta pour voir ce joli couple ?