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sane, un mélange de fierté et de coquetterie, de grâce et de dédain qui lui donnaient un ascendant que tous les hommes paraissaient subir. La richesse de ses formes dont l’ampleur était déguisée par la pureté du dessin, la perfection de la coiffure qui retenait ses cheveux noirs et lourds, un regard de Diane chasseresse, un nez d’une forme élégante, légèrement bossué, qui corrigeait, par une expression incroyablement piquante, ce que la beauté de ses traits aurait eu de trop sévère ; une bouche pleine de sarcasmes et de sourires élégants : tel est le type qui apparut à Georges Raymond, ébloui, comme une nouvelle révélation de la beauté.

— C’est elle ! la voilà ! dit le marquis à Marius Simon en lui montrant la nouvelle venue.

— Elle est splendide ! fit Marius Simon. Elle est trop belle pour qu’on puisse la réussir en portrait.

Le quadrille était fini ; Georges reconduisait Raffaella à sa place, et, tout en causant avec elle, il ne perdait pas des yeux l’inconnue ; mais il était presque impossible d’en approcher, tant elle était entourée. Les personnages les plus qualifiés se partageaient ses sourires ; mais Raymond était en veine d’audace, et il se dit : Je veux m’affirmer en parlant à cette femme comme aux autres ; elle doit avoir aussi son cadavre, comme dit Hector, et ses grands airs ne me font pas peur.

Il demanda qui elle était, on lui répondit que c’était la comtesse de Tolna.

— Ah ! oui, pensa-t-il, je les connais, ces comtesses-là. Je veux lui montrer comme elles en imposent à un débutant débarqué de la rue Saint-Jacques dans les enfers parisiens.