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Plus loin, la belle Lorenza qui ressemblait trait pour trait à la belle femme du concert champêtre de Giorgione. Elle dansait avec le marquis de Saporta, et, enfin, à sa gauche, la terrible Espagnole qui conservait son amant par la terreur ; elle avait une beauté fauve, les regards ombragée comme des éclairs par des franges de cils noirs, le cou modelé comme un bronze florentin, avec la peau dorée des Andalouses.

À tout instant, il se croisait avec ces splendides créatures et il tenait la main d’une jeune fille si belle qu’il se sentait prêt à l’aimer ; mais quand il regardait Rose Dancla, il n’en était plus aussi certain et, s’il regardait Juliette Sénéchal, il ne savait plus que faire.

— Oh ! quel enfer ! qu’elles sont belles ! se disait-il. Que ne suis-je assez riche pour être aimé de toutes ces femmes !

Et l’excitation de son imagination se joignant à l’influence du punch qu’il avait bu, il trouvait des mots, jetait des apostrophes, envoyait des sourires et amusait Raffaella, qui le trouvait gentil.

Tout à coup une grande sensation se produisit parmi les groupes de danseuses ; plusieurs messieurs de la galerie se levèrent pour aller au-devant d’une jeune femme qui venait d’entrer et qui prit le bras du marquis de Saporta. En jetant les yeux dans cette direction et en apercevant la nouvelle venue, il lui sembla voir pâlir toutes les beautés qui l’environnaient. Était-elle plus belle que les autres ? Peut-être ; mais, en tout cas, Georges Raymond sentit que c’était celle-là qui déterminait le dernier, le plus irrésistible choc de passion qu’il eût encore ressenti de la soirée.

Il y avait en elle un air de grande dame et de courti-