Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
isabeau


d’une conversation qui avait lieu dans un groupe voisin.

— Est-elle arrivée ? disait le premier interlocuteur.

— Pas encore, je la cherche de tous les côtés et ne l’ai point encore aperçue. Tu verras, mon cher, quelle merveille ! Mais ne va pas faire comme Pygmalion, ne va pas devenir amoureux de ton modèle.

Georges se retourna vivement ; il avait reconnu la voix du marquis.

— Que diable le marquis peut-il comploter là avec Marius Simon ? pensa-t-il.

À ce moment, le marquis l’aperçut, le regarda de la tête aux pieds et vint lui faire un salut ironique en mettant son pince-nez.

— Bonjour, bonjour, cher, dit Georges Raymond en faisant un demi-tour sur ses talons afin de s’essayer à l’impertinence.

— Georges Raymond est ici, dit le marquis en prenant le bras de Marius Simon. Tenez, voyez quel air impudent à ce petit drôle. Dieu me pardonne, il aborde la vicomtesse, il sourit à Raffaella, il l’invite à danser, elle se lève.

— Ce n’est pas lui, c’est son sosie, répondit Marius, Georges Raymond est timide comme une pucelle de la Basse-Bretagne.

Pendant ce temps-la Georges Raymond, électrisé, fasciné, payant d’audace, se sentant soutenu par la force intime qu’il puisait dans le sentiment de sa valeur, était venu faire ses compliments à la vicomtesse qui le lorgnait à nouveau comme un jeune homme qu’elle avait mal apprécié.

— Il est fort bien, dit-elle tout bas à Mme de Bois-Baudran. C’est un jeune avocat de talent, ami d’Hec-