Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
les existences problématiques

— Pouah ! fit Georges.

— Je ne te parle pas de ce monsieur décoré qui a un air de grand d’Espagne ; ses anciennes maîtresses, qui l’ont ruiné, ne le laissent pas sans ressources et empruntent le secours de son bras pour poser dans les mondes interlopes. Voici Saint-Raphaël qui ne vit que de la roulette ; voici Caverno qui ne vit que des tripotages de coulisse ; ce sont de simples truqueurs dont il n’y a lieu de s’occuper. Mais, là, à ta gauche, regarde ces deux messieurs : justement, les voilà qui causent ensemble.

Le premier, le plus jeune, avec sa barbe couleur pissenlit, est Alfred Leroy ; il vient de fonder une soi-disant banque foncière à laquelle il a donné un masque britannique, pour se soustraire aux formalités gênantes de la loi française ; la société est censée avoir son siège à Londres et avec une prétendue succursale parisienne, qui pourra lever le pied quand elle voudra, il émet des obligations hypothéquées sur les brouillards de la Tamise.

Celui qui lui parle à l’oreille est un magnifique garçon. Qu’en dis-tu ?

— Eh bien ! quoi ? dit Georges, remarquant l’intonation d’Hector d’Havrecourt.

— Il a rapporté trois millions des bords de l’Euphrate.

— Allons donc !

— Exact.

Ce monsieur d’une élégance surfaite, c’est le duc de *** ; il vend des décorations et s’en fait trente mille livres de rentes. Tiens, le voila qui serre la main à un Magyare bien connu qui se fait donner vingt mille francs chaque année sur les fonds secrets du