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vaient pas encore franchi les limites de l’opulence, le buste était pleinement conservé et les bras remarquables. Elle avait dû être extrêmement jolie ; mais ses traits s’étaient empâtés, et il ne lui restait de la première jeunesse que de fort beaux cheveux châtains, une bouche très fraiche et des yeux bleus dont le léger clignement donnait à sa physionomie une expression particulière de bienveillance et de finesse.

— Où t’étais-tu donc fourré ? Je te cherche pour te présenter à ces dames, dit Hector d’Havrecourt en rejoignant Georges Raymond, et, s’emparant du jeune avocat, il l’amena sous les yeux de l’escadron volant de la vicomtesse. Pareil au soldat qui voit le feu pour la première fois, Georges Raymond avait plus envie de reculer que d’avancer ; mais il avait un certain tact naturel et s’était formé tant bien que mal à travers sa vie de lutte et de misère.

— Mon ami Georges Raymond, que vous m’aviez autorisé à vous présenter, vicomtesse, dit Hector d’Havrecourt à Mme de Saint-Morris ; un puritain sans le savoir, un Hippolyte qui a laissé au vestiaire ses flèches et son carquois.

Cette présentation fantaisiste fit rougir jusqu’aux oreilles Georges Raymond. Il salua pour déguiser son embarras.

— Si monsieur Georges Raymond trouve ici quelque distraction, il nous fera le plaisir de revenir, je l’espère, dit Mme de Saint-Morris dont l’attention fut presque aussitôt détournée par l’arrivée d’un personnage à gros dos qui vint lui baiser la main avec fracas.

Hector d’Havrecourt avait disparu de nouveau pour aller faire sa cour aux dames de l’entourage, en sorte que le malheureux jeune homme resta tout à coup