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certain âge qui ont encore des titres à la beauté, non seulement Mme de Saint-Morris n’éloignait pas les jolies femmes de son entourage, mais elle les recherchait avec un soin tout particulier. Il n’y avait pas de femme mariée compromise, de beauté tapageuse, d’artiste en vogue, qui n’apparût bientôt dans ses salons, précédée ou suivie de la réclame que faisaient les petits journaux en rendant compte de chacune de ses fêtes.

L’escadron volant dont la vicomtesse était toujours entourée à la façon de Catherine de Médicis lui constituait, disait-on, une puissance occulte dont elle tirait certains avantages ; elle passait pour avoir du crédit dans les ministères, dans les ambassades, et quoiqu’elle n’allât pas dans le monde officiel, elle recevait souvent à ses soirées intimes les personnages les plus importants.

Chose assez digne de remarque, pas une des femmes qui fréquentaient sa maison ne disait de mal de la vicomtesse. Elle était littéralement portée aux nues par son entourage féminin, et, comme tout s’explique dans le monde par des interprétations malveillantes, on disait que les jeunes filles compromises trouvaient, chez elle, des maris, et les femmes qui n’avaient plus rien à perdre, des amants.

Telle était l’Armide chez laquelle Hector d’Havrecourt conduisit Georges Raymond vers dix heures et demie. Les deux jeunes gens avaient fait un dîner succulent à la Maison-d’or, et avaient passé deux heures aux Italiens avant de se rendre rue de Rome.

Le jeune avocat renaissait à la vie ; se sentir jeune, plein de santé, bien mis et avoir assez d’argent dans sa poche pour se passer tous ses caprices, quelle situation nouvelle pour Georges Raymond, qui était écrasé