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assez négligemment nouée autour du cou dénotaient d’ailleurs un homme de loi ; on pouvait le prendre au hasard pour un notaire de province, pour un commissaire-priseur ou pour un huissier.

Il s’assit sans façon dans le fauteuil que Georges Raymond lui indiquait de la main, et fixant sur le jeune homme un regard perçant, qu’il savait adoucir quand il voulait jusqu’à la bénignité :

— Je suis la personne dont M. Karl Elmerich vous a parlé, lui dit-il.

— J’étais prévenu, en effet, de votre visite, monsieur, répondit Georges, et l’on m’avait dit votre nom.

— Un nom de requin, n’est-ce pas ? fit Doubledent en riant d’un assez gros rire, mais je n’en suis pas plus méchant pour cela, et je crois que nous pourrons nous entendre. Je ne suis pas sans vous connaître un peu, et je sais aussi ce que c’est que la profession. On a beau avoir du courage, du talent, du savoir, les honoraires ne sont pas lourds quand on débute, et combien de temps faut-il attendre avant de mettre la main sur un procès qui rapporte de la notoriété et des profits ! C’est vraiment une belle veine pour vous qu’une affaire comme celle dont je viens vous parler, et je suis content pour ma part qu’elle arrive a un jeune homme bien méritant comme vous.

— Merci, monsieur, dit froidement Georges Raymond, qui trouvait le personnage bien familier. Si cette affaire a l’importance que vous indiquez, j’en serai plus heureux encore pour mon ami Karl que pour moi. Si j’ai bien compris ce que m’a dit M. Karl Elmerich, il s’agirait d’une succession à laquelle il a droit et dont il aurait été frustré par un collatéral.

— C’est cela même, et ce collatéral la possède en