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observer des caractères vrais, à enchaîner des événements vraisemblables, à faire agir des personnages conformément à la nature humaine, à montrer les grandeurs et les faiblesses du libre arbitre, la lutte perpétuelle entre les bons et les mauvais instincts, le contraste entre les sentiments généraux et les réalités brutales de la vie, à faire voir comment, à de rares exceptions près, la patience et la ruse viennent à bout de tout, à mettre l’honnêteté sans calcul aux prises avec la perversité clairvoyante et expérimentée.

À une époque où la valeur des hommes ne se compte plus que par leur degré de rouerie, indépendamment de toute capacité et de tout talent, les machinations de l’ambition intrigante et besogneuse sont le fonds commun de la plupart des drames de notre temps.

Le talent, quelquefois le génie écrasé, étouffé dans son germe par le défaut de prudence ou de savoir-faire, par la quantité innombrable des petits obstacles que savent prévoir et tourner les petits esprits ; c’est là un des côtés les plus curieux de la fin de ce dernier siècle, où tout se réduit en tours