Page:Maurice Joly - Les Affames - E Dentu Editeur - 1876.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On a organisé une littérature officielle, un journalisme officiel pour bâillonner les esprits réfractaires à la servitude intellectuelle et morale du temps présent. Nous souffrons tous du même mal, amis ! de l’impossibilité d’arriver au milieu d’une société sénile qui ne veut faire aucune part à la jeunesse et raye impitoyablement…

— Qui est-ce qui a une épingle pour dégonfler Gaspard ? cria Marius Simon.

— En dehors des académies, qui ne sont que des hospices d’invalides, reprit Cambrinus un instant ébranlé par ce lardon, le grand art est prostitué à tous les marchands chauds de scandale. Toutes les formes qu’il affecte ne sont que des excitations à la débauche, et les muses elles-mêmes font le trottoir !

— Dites donc, parlez pour vous, dit Zoé-Canada en voyant l’œil inspiré de Cambrinus arrêté fixement sur elle pendant qu’il gesticulait.

À ces mots, un fou rire s’empara de toute la rédaction.

— Evohé ! Bacchus ! s’écria le marquis, Zoé-Ganada qui se prend pour une muse !…

— Sont-ils amusants ! murmura Berg-op-Zom qui venait de rentrer.

— Il m’a promis qu’il te prêterait de l’argent, dit Karl à l’oreille de Gaupin.

— De l’argent ! dit Léon Gaupin qui sortit comme d’un rêve ; oh ! merci, mon bon Karl, tu es un dieu !

Tout à coup il fit des signaux extrêmement animés à quelqu’un du dehors, enjamba l’entresol et sauta par la fenêtre : il venait d’apercevoir Bouton-de-Rose sur le boulevard Saint-Michel.