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Tous les conjurés étant parvenus à s’échapper, et Barbaro se trouvant hors d’état d’être interrogé par suite de la gravité de son état, aucun indice n’avait pu être recueilli par la police sur les circonstances de cette affaire, dont les journaux s’entretenaient encore.

― Préparez le texte d’un communiqué que je ferai signer à M. le préfet pour démentir toutes ces bêtises.

― Le voilà !

― Bien. Je verrai cela tout à l’heure ; car nous n’avons pas qu’une affaire sur les bras. Monsieur Ferminet, avez-vous recueilli les renseignements que je vous ai demandés sur ce Doubledent ?

― Les renseignements sont bons, dit Ferminet en fermant les yeux par un mouvement de paupière qui lui était particulier ; c’est un homme laborieux, d’une conduite régulière et faisant des aumônes.

― Vos renseignements ne ressemblent guère à ceux que je reçois d’une autre source, fit M. Bonafous en prenant sur sa table une feuille de papier. Voici ce qu’on en dit : « Agent d’affaires de la pire espèce, à la piste des successions en déshérence, exploitant la jeunesse des écoles à l’aide d’un prêtre défroqué et d’un ancien officier ministériel destitué. »

Cet homme inquiète par ses persécutions une famille puissante et riche qui doit être protégée, ajouta M. Bonafous. Une perquisition faite à l’improviste dans les papiers de cet individu fera connaître qui il est et quels sont ses moyens de nuire.

M. Ferminet avait clos hermétiquement ses deux paupières, ce qui était une manière à lui de protester contre l’usage excessif du pouvoir arbitraire. Cette pantomime, qui n’était pas sans influence sur le redoutable chef de division, lui fit hausser les épaules.