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antres de malfaiteurs, affaires de mœurs embarrassantes à raison de la qualité des personnages, rapports de la police privée avec la police politique : tel était, sans qu’il soit besoin d’entrer dans d’autres détails, le vaste domaine d’attributions dévolues à M. Bonafous.

C’était un homme d’une soixantaine d’années au plus, court, ramassé, brun de visage, aux yeux en vrille, brusque, pétulant, irascible, mais connaissant à fond tous les détails de son service.

Il était seul en ce moment dans son cabinet en face d’un immense bureau plat, sur lequel pendaient une foule de cordons de sonnette, et que surchargeaient d’innombrables dossiers. Il parcourait rapidement divers journaux avec toutes les marques de l’impatience. Il tira avec vivacité l’un des cordons de sonnette qui étaient à portée de sa main.

Presque au même instant apparut l’un de ses chefs de bureau, au visage pâle et troué de petite vérole, à la physionomie impassible.

― Cette affaire de la rue Bergère continue à faire un tapage épouvantable. Tenez, voyez ce qu’en disent les journaux, dit M. Bonafous en poussant différentes feuilles sur la table. On exagère les faits d’une manière insensée ; on parle d’un complot dont le but était d’assassiner l’empereur. Certains organes dynastiques exploitent cet incident contre le cabinet, dont les tendances libérales sont hostiles aux impérialistes de la veille. On accuse le ministère de mener l’empire à sa perte. C’est déplorable !

Pendant que M. Bonafous parlait ainsi, le chef de bureau lisait sans s’émouvoir les lignes suivantes d’un journal officieux :

« Au moment où la police descendit chez Barbaro,