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comme ça jusqu’à après-demain, dit un autre ouvrier du nom de Barbe. À quoi conclut-on ?

― Faut-il risquer le paquet ? dit Soulès en se penchant à l’oreille d’un individu à barbe grisonnante qui se tenait près de lui et dont il semblait prendre les instructions.

Ce personnage fit un signe négatif de la paupière et répondit sur le même ton :

― Non. Ce n’est pas mûr ; ils auraient peur ; nous en délibérerons ce soir en comité.

― Eh bien, voici la conclusion demandée, dit Soulès en reprenant la parole ; nous sommes à la veille des élections générales, citoyens, le mot d’ordre est d’agiter Paris ; car les temps sont proches. Que ceux qui sont ici pour Belleville, La Chapelle, Montmartre, parlent à leurs compagnons, à leurs amis. Il s’agit de chauffer les faubourgs, de préparer nos frères à descendre quand il le faudra sur le boulevard et à faire des barricades.

― Aurez-vous du cœur, camarades ? dit l’homme à barbe grise qui était resté jusqu’alors silencieux et dont l’œil noir brillait d’une sombre énergie.

― Oui, oui, crièrent plusieurs voix.

― Pour ce que vaut la vie, quand on est des mercenaires du travail, autant vaut se faire crever le ventre sur un tas de pierres, dit Barbe.

Des coups vigoureux frappés au dehors, interrompirent brusquement ces paroles. Les coups se reproduisirent avec force une seconde fois, pendant que les conjurés retenaient leur haleine, et l’on entendit une voix impérieuse qui criait : « Ouvrez, au nom de la loi ! »

Cette fois ce fut un sauve-qui-peut général. Gédéon et Belgaric disparurent comme par enchantement par