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rien ne venait atténuer l’aspect assez lugubre du local dans lequel étaient réunis les conjurés.

Il y avait là plusieurs personnages avec lesquels le lecteur a déjà fait connaissance à la pension du père Lamoureux, Oudaille, Soulès qui présidait la réunion, assisté de Coq, son bras droit, le docteur Gédéon dont nous venons de parler, Belgaric, de l’Odéon ; les autres individus étaient des ouvriers affiliés ou délégués par certains groupes des faubourgs.

C’était là une de ces réunions secrètes comme il y en avait beaucoup dans les dernières années de l’empire, dont la plupart étaient plus ou moins connues de la police, soit qu’elle eût des agents dans ces réunions, soit qu’elles se tinssent dans des établissements où le patron remplissait lui-même le rôle de moniteur officieux auprès de l’autorité.

Barbaro n’était pas dans ce cas-là ; mais son concours n’en valait guère mieux. Tremblant d’être dénoncé à la préfecture, et toujours sur le point d’aller faire des révélations, il était retenu d’un autre côté par ses penchants révolutionnaires et plus encore par la crainte de s’exposer aux vengeances de ses coreligionnaires. Coq, entre autres, le dominait complètement par sa violence et par la connaissance particulière de certains faits qui pouvaient, au dire de Coq, l’envoyer sur les bancs de la cour d’assises.

La réunion était tumultueuse avant d’avoir commencé, et chacun parlait de son côté. Coq gesticulait, Gédéon protestait contre le bruit, Belgaric prenait des poses tragiques, Oudaille, impassible, ne disait mot, voyant avec un certain plaisir la confusion qui se produisait sous la présidence de son rival. Barbaro allait et venait comme un ours dans une fosse.