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parce qu’il emprunte quelque actualité à la situation, j’en pourrais citer bien d’autres ; mais que servirait de chercher si loin ? Quand le souverain pontife ébranlé sur son siège, faisait appel aux catholiques par la voie de ses évêques, quels anathèmes ne furent pas lancés contre eux ! Il n’y avait qu’eux de libres, d’indépendants en France, il n’y avait qu’eux qui parlassent et l’on voulait étouffer leur voix. Leur résistance faisait scandale, la hardiesse de leur langage soulevait des tempêtes. Qu’importe comment ils parlaient ? ils apprenaient au public à faire usage de cette même liberté dont leur courage devançait l’heure. Cependant on provoquait le gouvernement à des mesures violentes ; on entendait dire autour de soi : C’est intolérable, — comment souffre-t-on de telles choses ? — et puis, venait le mot inévitable : « si j’étais à la place du gouvernement, je ferais ceci, je ferais cela : » De la compression enfin, toujours de la compression ; voilà comment le public en France sait conseiller ses gouvernements.

Chaque fois qu’une question de liberté a été posée, elle à toujours été résolue par le public contre la liberté ; le fait se reproduira plus d’une fois encore ; il serait bon cependant que la France s’interrogeât et se connût elle-même ; elle se convaincrait ainsi que ses malheurs politiques ont été plutôt sa propre faute que celle de ses gouvernements.

Extrême en tout, dans ses défaillances comme dans ses passions la France a dormi pendant douze ans du sommeil d’Épiménide ; elle a oublié, à son réveil ce que signifiait ce mot de liberté. Dangereux oubli, indifférence trompeuse. Le gouvernement de l’Empereur a su comprendre qu’il ne faut point se fier à cette quiétude apparente, car la société travaille sourdement alors même qu’elle paraît endormie ; il y a toujours quelque part des hommes qui portent en eux le démon familier des révolutions et dont les idées ont marché avec leur époque. Le temps n’est plus où les gouvernements, se renfermant dans leur égoïsme, ne