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hommes jeunes qui siègent sur les vieux trônes de l’Europe ne manquèrent dans cette circonstance ni à leur étoile ni à l’esprit de leur temps. Sur une telle base, tous ces souverains pouvaient s’entendre avec Napoléon III ; et, chose singulière, il se trouvait en définitive que, parmi les potentats de l’Europe, le seul qui n’eût encore rien fait pour son peuple, c’était l’Empereur des Français, lui qui avait déchaîné la révolution à leur porte au nom de la liberté. Une telle inconséquence voulait être réparée sans retard ; on sait avec quelle décision elle le fut.

Ce rapide coup d’œil, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, explique donc sans difficulté le décret du 24 novembre.

S’appuyer sur la démocratie de l’Europe entière à l’extérieur ; à l’intérieur donner une satisfaction éclatante à l’opinion publique, ruiner le parti légitimiste qui avait pris en main la cause de la liberté, désarmer les libéraux, fermer la bouche à la presse, attirer à lui tous les hommes sincères, resserrer les liens de la nation, enfin tirer la France de la léthargie où elle était plongée, telles furent, je crois, les vues principales qui dictèrent cet acte de haute politique et de haute moralité ; il avait, en outre, la rare faveur d’arriver comme la consécration la plus formelle des promesses qui avaient été faites au commencement du règne.

J’ai rempli peut-être la première partie de mon programme, qui était de rechercher les causes générales qui avaient présidé à l’acte du 24 novembre.

Maintenant, la France est-elle mûre pour le régime nouveau qui commence ? Je ne craindrai pas de répondre selon ma pensée et je dirai : Non. Je n’ignore pas que cette parole a été prononcée ; mais le pourquoi n’en a pas été dit, et c’est ce que j’essaierai de faire ici. Les hommes qui tâchent de se donner un renom d’originalité dans la presse par des opinions hardies ne prennent pas la peine de les justifier ; ils affirment, cela leur suffit.

Irai-je jusqu’à dire que ce décret est mal venu qu’il fallait atten-